Et vous c'est quoi votre costume ?
- Julien Renault
- 5 juil. 2018
- 13 min de lecture
Bonjour, je m'appelle Julien Renault et je suis psychopraticien.
Mon travail consiste à aider psychiquement tous les gens qui viennent me rencontrer.
Pour ce faire, j'utilise plusieurs modèles thérapeutiques dont l'IFS, la théorie polyvagale, et l'intelligence relationnelle.
Aujourd'hui ce billet sera un billet d'humeur, pour ne pas dire un coup de gueule.
Je vois ici et là, des théories qui, à force de répétition, de syllogismes, d'habiletés, mais aussi d'un cynisme certain - tellement symptomatique d'une époque qui touche à sa fin – s'imposer, comme des vérités absolues et définitives.
Je vais parler des « effets de mode psy ».
De nos grands mères hystériques à nos enfants TDAH, A grand renfort de publications dans les magasines populaires, notre époque moderne est constellée d'étiquettes psychologiques.
Dans mon parcours, je me suis intéressé à une étiquette plus particulièrement ; à une époque où je traversais des doutes, (pour ne pas dire des tourments) j'ai cherché comme tant d'autres, des réponses.
J'aimerais témoigner de mon expérience.
Suite à des accidents de la vie, je me suis tourné vers des professionnels, des livres, des articles afin de trouver une grille de lecture qui me permette de mieux me comprendre, persuadé que de la compréhension intellectuelle (à l'époque je ne connaissais que celle-ci) viendrait la paix intérieure.
Sur ce chemin, j'ai surtout perdu beaucoup de temps et d'argent... cela devait sûrement être nécessaire.
A la recherche de ma case.
Lorsque l'on est en période de doute, la tentation est grande de chercher à comprendre intellectuellement pourquoi la vie est si compliquée. Forcément, c'est vers des professionnels du sujet que je me suis dirigé ; chacun y allant de son étiquette, un peu comme l'on choisit un costume.
Le professionnel vous observe, vous écoute, et vous propose votre costume qu'il vous enfile, puis vous vérifiez si c'est à votre taille. Ainsi, j'ai essayé le borderline (un peu trop grand pour moi), le dépressif chronique (un tantinet démodé), le bipolaire (très porté à cette époque, très tendance) mais sans succès… Jusqu'au jour où un tailleur sur mesure me propose une super étiquette, très élégante, me collant sur la peau sans me boudiner, qui met en valeur mes « défauts » justifie mes « erreurs », le costume parfait : « Surdoué ».
Il me propose même de tester mon étiquette pour qu'elle me colle encore mieux à la peau. N'ayant pas les moyens (300€ le test), je pars avec mon costume sur la base de la confiance, en me disant que je vérifierais par moi-même la tenue dans le temps de mon nouvel habit. Bien que peu sûr de moi, je commence à chercher des confirmations, tout d'abord en lisant. Articles, bouquins, le sujet à l'époque n'est pas très fourni, mais j'épluche le tout consciencieusement. Puis, je tombe sur le best-seller qui a réponse à tout ! Merveilleux : mes doutes, mes perceptions, ma vie même, enfin une grille de lecture pour moi ! Mon étiquette, mon costume me va comme un gant, c'est confirmé !
Quelle joie dans mon malheur : je fais partie d'un club très restreint (2% d'humains), tout ce qui me gâche la vie, n'est en fait que le corollaire de mon "intelligence supérieure". Dit comme ça, cela peut paraître quelque peu prétentieux, mais rassurez-vous, de l’intérieur, ça ressemble plus à : « l'on me dit que je suis supérieurement intelligent à moi qui me sens stupide, ce qui correspond à l'un des « symptômes » (l'utilisation du mot « symptôme » doit plutôt être comprise comme un anachronisme plutôt qu'une provocation. A l'époque à laquelle nous vivons, je pense qu'un prochain DSM tournera le concept de surdoué en maladie ou en trouble psy) de mon intelligence supérieure, en effet les surdoués se trouvent plutôt stupides ! C'est bien connu.
En fait, je découvre très vite que l'on vous propose ce costume sur la base d'observations, véritable grille d'évaluation qui comportait une trentaine de critères à l'époque. Si vous correspondez, vous êtes élu ! C'est le principe des étiquettes : elles répondent à des critères précis, mais néanmoins subjectifs.
L’œuf au riz … (l'euphorie)
Passé la période de doute, (rassurante au demeurant puisque le surdoué doute aussi beaucoup… c'est bien connu), je me retrouve de mieux en mieux dans mon costume ; comme une seconde peau, je trouve un véritable plaisir à m'assumer différent et cerise sur le gâteau, supérieur. Mais ça, faut pas le dire, parce qu'un Zèbre se sent toujours inférieur aux autres … c'est bien connu.
Ainsi étiqueté, je peux me mettre en quête de compatriotes surdoués afin de partager mes galères... C'est l'époque du développement des réseaux sociaux ; j'ai vite fait d'y trouver des camarades surdoués.
On développe notre langage, nos codes, nos prédateurs, notre animal de pouvoir :le zèbre.
La vie est belle entre nous...
A cette période, beaucoup d'ouvrages sortent sur le sujet, des émissions de télévision, des articles, des vidéos aussi avec des spécialistes, certains reconnus, d'autre auto-proclamés, qu'importe, tous se copient/collent dans des observations cliniques, qui se confirment et se justifient en boucle fermée.
La grille s'affine, les observations aussi, les spécialistes repèrent les surdoués au simple coup d’œil... mais ne le confirment qu’après test... c'est 400 € maintenant.
Malheureusement le test n'est pas parfait... et oui qui dit « test » dit « stress » et le zèbre est hyper-sensible… c'est bien connu.
L'hyper-sensibilité, à la base, c'était plutôt un symptôme de l'intelligence. Mais comme chez certains ça ne s'associe vraiment pas, l'on a préféré scinder les deux étiquettes pour en faire deux dons différents.
La notion de don est aléatoire et dépend du niveau de confort ressenti ; les gens tristes parleront de malédiction, les moins tristes de don.
Me voilà parti en lune de miel avec mon costume tout beau, dans la vie. Rien n'a réellement changé, rien n'est réglé, juste ma façon de voir les choses. J'ai la même vie, juste ma grille de lecture a été modifiée, sa vertu : transformer mes souffrances en cause de mon intelligence supérieure arrivant presque à la conclusion que : plus je souffre, plus je suis intelligent ! Ma souffrance trouve sa légitimité. Et là, c'est le drame.
La descente en enfer.
C'est là que l'on peut comprendre toute la perfidie de ce genre de costume… Dans notre monde informationnel, l'intelligence alors même que l'on ne sait pas vraiment ce que c'est, est l'une des qualités les plus gratifiantes.
Alors même que l'on se noie dans notre état dépressif, l'on garde en bouée de sauvetage notre intelligence supérieure, l'un fonctionnant avec l'autre… c'est bien connu.
A force de lectures pseudo-scientifiques (pseudo car aucune rigueur scientifique réelle ; juste des observations cliniques sur un panel de personnes en souffrance) l'on se convainc d'un certain nombre de choses :
Un surdoué est lucide donc a toutes les probabilités d'être malheureux.
Faisant partie d'un club de 2%, il est seul et incompris.
Il est d'autant plus incompris que son intelligence supérieure rend les gens (les autres!) jaloux.
Sa pensée est différente et il peut même faire plein de choses en même temps (pensée « arborescente »)… mais ça tu peux pas comprendre tu es « normo-pensant » (pensée linéaire).
On ne sait pas trop d’où tout ça vient, mais quand on est surdoué c'est pour la vie ! Et donc les autres points, les symptômes sont inscrits... à vie.
En fait, la plupart des symptômes sont acquis définitifs, il faut faire avec... C'est un peu ainsi que se termine le fameux best-seller : vous êtes comme vous êtes, vous êtes supérieurement intelligent et c'est déjà pas mal... et comme c'est pas une maladie, pas de guérison à attendre. C'est pratique.
Donc me voilà mal, malheureux puisque trop intelligent, mon intelligence supérieure étant la cause de mon malheur, mon costume me colle parfaitement, tellement parfaitement que je ne pense plus que c'est un costume. Je suis persuadé d'être un handicapé de la vie… La plupart des zèbres pensent ça... c'est bien connu.
Dans mon malheur, j'ai gardé ma faim de connaissance, d'apprendre, de lire et je découvre des écrits plus spirituels qui me parlent d'identification à la pensée, ainsi que d'autres très critiques envers le point de vue typiquement français de la douance.
Je me rends progressivement compte qu'en fait, je suis totalement identifié avec l'idée d'être surdoué, à la façon dont certains le sont à leur travail ou à leur bagnole, je suis mon costume, à tel point que je peux devenir agressif lorsque quelqu'un (un « normal pensant » jaloux et rustre) doute de ma « douance » ou minimise mon malheur, je SUIS un haut potentiel et donc tout ce que je fais, tout ce que je suis est haut potentiel… c'est bien connu !
Je me rends aussi compte de premières incohérences, chez moi, chez les autres : l'insensibilité, l’ego-centrisme, l’obscurantisme, le refus d'écouter certains arguments, certaines critiques sur mon costume, sur celui des autres.
Le doute
Je reprends alors mes recherches du début, avec un œil plus critique et la première évidence que je trouve, c'est que lorsque l'on est psy spécialiste ou non des hauts potentiels, l'on ne rencontre en cabinet que des gens qui ont des problèmes, et donc première conclusion à laquelle je m'attaque ; est-ce que tous les surdoués ont systématiquement des problèmes ?
Il n'y a rien de plus faux, non seulement c'est faux, mais d'un pays à l'autre, la définition de la douance est différente !
Je ne vais pas ici prendre chaque « symptôme » pour les démonter, mais tous les symptômes sont bidons, ne serait ce que par la simple évidence : les observations sont cliniques et non scientifiques. Les seules études systématiques sur des populations non consultantes n'ont rien de rigoureuses. Elles sont ethniquement, culturellement et politiquement très marquées, à l'image de la plus importante (étude Terman), de nombreuses fois citée en référence, où dans une population de 250 000 enfants américains testés il n'y a pas d'enfant d'origine africaine ou latine ; le surdoué ne serait-il qu'un joli blondinet ?
Puis je découvre l'autre versant. Je rencontre d'autres personnes, des scientifiques éminemment intelligents, heureux, des gens dont l'intelligence est tout à fait normale, qui souffrent de solitude, d'incompréhension, de pensée confuse, des écrits qui remettent en cause les arguments des stars de la sphère HP, avec des arguments scientifiquement incontestables.
Je comprends donc qu'il me faut chercher ailleurs, je ne sais pas encore si mon état est permanent, en tout cas, je commence à me sentir à l'étroit dans ce costume si réducteur.

Décidément ce costume me va de moins en moins bien…
En fait je trouve beaucoup d'outils qui me permettent de trouver du confort et même de la joie et là je perçois quelque chose d'assez surprenant… mes « symptômes » diminuent... comment est-ce possible ? La joie me rendrait elle normal ? Pire... stupide ?
Faisons le point : les symptômes ne sont pas définitifs, certains sont bidons (comme la fameuse pensée arborescente qui en fin de compte ressemble plus à de la confusion mentale ou bien à un SNA dans le dorsal), les travaux en neurobiologie ne confirment que peu de théories...
Et chose curieuse, les égéries des hauts potentiels, qui nous abreuvent de vidéos et d'ouvrages proposent maintenant (enfin !) des prises en charge pour améliorer la souffrance !
Curieusement ce sont des clefs qui sont communes aux normaux-pensant ! … méditations, mindfullness, CNV(Communication Non Violente)… en fait, elles ne sont pas tout à fait pareilles puisqu'elles sont à destination des surdoués : elles sont plus chères !
Je passerais sur les nouvelles étiquettes qui tendent à percher le surdoué à côté des Dieux, affublés de dons paranormaux à développer… 1500 € la libération !
D'un coté, il y a donc les professionnels spécialisés en HP qui proposent les mêmes solutions pour des personnes, qui de toute façon n'iront pas mieux, puisque c'est inscrit dans leurs gènes ! (pratique, pas d'obligation de résultat comme ça) et de l'autre, des personnes qui souffrent et s'identifient à des étiquettes des plus gratifiantes qui existent, ce qui les protège, les rassemble, et leur donne une identité sociale : beaucoup de plaisir en quelque sorte, dans leur malheur.
Je pense que c'est de toutes mes recherches que j'ai acquis l'expérience et le savoir qui m'ont permis de comprendre, d'observer les choses avec bien plus de recul vis à vis du contenu, du récit pour me concentrer sur les besoins.
L'abandon de l'étiquette, plus exactement l'abandon de l'identification à l'étiquette, a été la première étape. C'est intellectuel, pour s'en détacher il suffit de se concentrer sur le corps, sur les besoins réels et pas intellectuels. La CNV, mais surtout l'IFS (Internal Family System) m'ont permis de me connecter à ce qui est vivant en moi : une étiquette ce n'est pas vivant !
Aujourd'hui j'aide tout le monde. Pas de spécialisation pro HP, pas de différenciation : nous sommes tous uniques, avec des besoins en commun.
Des étiquettes, j'en vois tous les jours : Je suis sur-... donc c'est normal si... Je suis hyper-... donc c'est logique si… Mon fils est hyper-... l'on m'a dit que…
Plus rarement hypo- ... c'est surprenant, nous tendons à nous identifier plus volontiers vers l'hyper- plutôt que l'hypo-. C'est un peu comme la façon de conduire, vous n'avez pas remarqué que les autres conduisent quand même moins bien que vous ? Surtout dans les rond-points ! (« Nan mais, sauf que moi, quand je vous le dis, c'est vrai ! »)
Que ces costumes fassent vivre les tailleurs de costumes est une très bonne chose, malheureusement, ils étouffent et limitent ceux qui les portent et se faire tailler un costume ça ne règle rien, ça enfouit c'est tout, l'habit ne fait pas le moine… c'est bien connu.
Toutes ces analyses, ces observations se font dans le champ du contenu, du récit, du blabla, en dessous de ce champ conscient et intellectuel s'étend un monde de besoins, de valeurs humaines beaucoup moins conscient, des stratégies de sauvegarde, de protection ; c'est le monde des sous-personnalités, le monde des parts. La compréhension intellectuelle de ce monde est bien moins importante que son accueil. L’expérimentation en est le chemin le plus efficace.
Tant que l'on reste dans le récit, le costume est parfait. Inutile, mais élégant.
A terme, il aura beau recouvrir les plaies, elles continueront de suinter au dessous. C'est elles pourtant qu'il faut soigner et pour cela il faut passer au-dessous du costume, déposer la veste.
Que se passe t-il vraiment en nous ?
Au regard des grilles de lecture de l'IFS, notre personnalité est subdivisée en sous-personnalités, en parts qui sont de natures différentes, certaines nous protègent, d'autres souffrent ou les deux.
Leur langage sont les émotions. Les émotions nous indiquent des blessures, des dangers, des choses à éviter, d'autres à confirmer.
Lorsque ces messages sont ignorés, évités, cachés par une étiquette, ils amplifient, ils hurlent en nous. Les parts adoptent des rôles, des stratégies en fonction de leurs besoins et de ce qu'elles protègent en nous. Elles peuvent même rentrer en conflit les unes contre les autres si leurs besoins sont antagonistes (un besoin de contrôle va être en conflit avec un besoin de boire ou de fumer par exemple).
La tristesse, la confusion, l'hyperactivité, la rumination, tous ces mécanismes sont des mécanismes de protection.
Mais en même temps de nous protéger, elles nous épuisent, nous font tourner en rond, peuvent aller jusqu'à nous torturer...
Lorsque certaines parts rencontrent une étiquette, elles s'en saisissent volontiers ; cela leur donne une légitimité, un pouvoir sur le système.
Dans un conflit de parts, chacune cherche à influencer le système global pour le maintenir en sécurité de son point de vue. Une part « business man », une part « maman idéale », une part « débonnaire », quoiqu'il arrive… autant de traits de caractère qui s'imposent au-delà de ce que la réalité nécessite.
Les parts deviennent dysfonctionnelles car trop présentes ce qui génère des conflits, un peu comme « Joie » dans le dessin animé Pixar « Vice Versa » qui, coûte que coûte cherche a s'imposer aux autres parts et étouffe la « Tristesse » légitime.
Lors d'un conflit, qu'il soit intérieur ou extérieur, si l'un des deux camps trouve l'argument ultime, (je suis surdoué) à coup sûr il va trouver là le moyen de se justifier pour l'emporter sur l'autre. Et rien de plus ultime que « je suis », on ne transforme pas une pierre en bois.
Le « je suis » (surdoué, hyper-sensible...) est définitif. Lorsqu'en séance une part me dit et m'impose un « je suis hypersensible » elle me dit que « quoiqu'il arrive je ferai toujours mon travail d'hyper-vigilance, je suis ainsi et c'est définitif ».
Derrière cela, moi j'entends que cette part a choisi ce rôle pour protéger la personne et qu'elle estime que c'est la meilleure ou la seule façon, d’après elle, de le faire, et encore, derrière, l'on peut sentir la peur, la terreur de ce qui pourrait arriver si elle arrêtait de le faire.
On en revient toujours au même. Il y a des traits de caractère humains bien sûr, communs d'une personne à l'autre mais leurs agencements, leurs proportions font que nous sommes uniques. Leur fonctionnement lui, est commun ; ainsi nous trouverons toujours des parts « protecteurs » qui nous protègent du danger, des parts blessées qu'il faut isoler (« exilés »).
Le travail des parts protectrices peut être la compréhension, la rumination, l'hyper-sensibilité, ou même l'hypo-sensibilité, et parfois dans la même personne, il n'est pas rare de rencontrer une personne « hyper-sensible » qui a des comportements à risques par manque de sensibilité à certains types de danger.
L'hyper-sensibilité, est en fin de compte une part hyper-vigilante qui grossit certains aspect de notre vie : relations, émotions, frustrations… jusqu'à les rendre insupportables. Ainsi passés à la loupe déformante de cette part, ces aspects nous semblent démesurés, elle tiendra son rôle tant que ce qu'elle protège, en nous, sera figé dans sa souffrance.
Une part « cogitation » peut travailler à nous embrumer, nous envahir d'une myriade de pensées, angoissantes, anxiogènes, paranoïaques, futiles qui en fin de compte nous tiennent en éveil face à un danger éventuel, ou alors nous emportent dans une tourmente obsessionnelle qui va nous empêcher de prendre des décisions qui pourraient nous mettre en danger. Elle peut alors s'allier à une part procrastinatrice lorsqu'il y a une peur systématique dans l'acte de prendre des décisions.
L'on peut imaginer aussi une part hyper-empathique qui nous permet de sentir les moindres émotions des gens qui nous entourent. Cette part se développe souvent chez des enfants qui sont dans des milieux instables émotionnellement, où la figure d’attachement peut très rapidement passer de la joie à la colère. Chez l'enfant peut se développer alors cette capacité à prévoir, à reconnaître pour anticiper les retours d'émotions inattendus et dangereux. Une fois apaisée cette part est très pratique pour les thérapeutes.
L'ensemble de ces parts qui se développe chez certaines personnes ne représente en rien une caractéristique génétique immuable ; ce sont des manifestations communes de réactions face à des traumas répétitifs, le plus souvent dus à des problèmes de l'attachement qui ont entraîné des vigilances accrues, des logiques intuitives permettant de prédire dans une certaine mesure les dangers.
Je ne nie pas l’existence de personnes ayant des aptitudes intellectuelles supérieures, (puisque je m'en nourris) des capacités accrues à manipuler de l'information et des concepts mais je ne le ferais pas au dépens de certaines évidences comme la plasticité cérébrale, ou la multiplicité du psychisme, ou encore l'incapacité d'un cerveau à être multitâche...
Et pour travailler avec des étiquetés, je suis bien placé pour voir les changements, les évolutions des parts qui se détendent par le travail psychologique. Qu'importe la technique thérapeutique, il faut descendre sous le seuil de la perception consciente spontanée.
Spontanément, ce qui nous vient à l'esprit est filtré par le système et même si nous avons la mémoire précise d'un trauma, cette mémoire est d'ordre intellectuelle et nous n'arrivons pas sans aide extérieure à rencontrer le segment mnésique blessé, protégé par le système car bien trop vulnérable.
Parfois cette blessure est sous un empilement de protections, chacune cherchant à protéger la précédente et attendant que la personne qui a fait la blessure première vienne réparer.
Cette lecture est propre à l'IFS, d'autres techniques vont aussi très bien soigner les blessures du passé. Ce qu'il faut retenir principalement, c'est qu'il faut se méfier des étiquettes, pas forcément les refuser, s'y opposer, juste voir en quoi elles nous rassurent. Parce qu'à coup sûr, en nous quelque chose a besoin d'être rassuré, et c'est bien souvent la porte d'entrée de notre monde intérieur : prendre soin, apprendre à prendre soin de ce qui souffre en nous, je suis heureux d'y contribuer.
Je dois dire que je suis toujours très ému par la confiance que me font les parts de mes clients, et ce cadeau d'être témoin de la rencontre entre un adulte et son enfant intérieur est toujours d'une intensité et d'une beauté inestimables, qui me font dire que je suis au bon moment et au bon endroit.
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