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DE LA CULPABILITE

DE LA CULPABILITE


Je t’écris ces mots, peut-être ne les liras-tu jamais, peut-être je ne te les enverrai pas … l'issue de cet écrit le décidera.


En tout premier lieu je me dois de te remercier, ainsi que la providence de t'avoir mis sur ma route, et puis dans une certaine mesure je puis aussi me remercier d'avoir, malgré tout ... d'avoir fait ce pas, ce pas vers moi.

Je ne sais si j'ai réglé « mon problème » en tout cas j'en ai une lecture limpide. Et rien que de mettre des mots, représente une véritable libération.


Tu m' as dit que j'avais une chose collée à la peau, collée en moi que tu avais vue, dans toute sa violence, dans toute sa détresse, et quelque part tu avais raison, ô combien raison, aujourd'hui je prends conscience de cette sensation que chacune de mes cellules, que chaque recoin de mon être est souillé par ces années de sorts, d'incantations qui m'ont été jetés par ma famille, par mon éducation et mon conditionnement.

J'ai toujours senti un frein à mon travail, comme une invalidation que j’estimais être un manque de confiance ou d'estime de soi, une part à travailler, une illégitimité.

Mais en l'observant avec plus d'attention , autant que cela fut possible, j'y voyais comme une illégitimité à vivre.

Comme si mon propre souffle était volé, comme non dû.

Toute ma vie je me suis senti illégitime, paria, en marge, comme étant un sans droit. Aujourd'hui j'en prends pleinement conscience, de ce non droit et de sa présence constante. Cette sensation permanente ou chaque chose positive et agréable est volée.

Aujourd'hui je prends conscience à quel point il a gangrené chaque aspect de ma vie, chaque cellule de mon être.


Aujourd'hui je me rends compte que je suis coupable. Que je l'ai toujours été, et qu'il est vital que je le sois.

Je prends la mesure de ce que c'est d'être coupable, pas de se sentir, mais d'être totalement persuadé d'être la culpabilité même, au point ou chaque pas vers un mieux être, resserre un peu plus l’éternelle corde qui me serre le cou, au point ou chaque pas vers un bien être est dangereux.

J'ai grandi dans la culpabilité, chaque acte, les miens, ceux des autres, leurs états d'âme, leurs mauvaises fortunes, tout m'était montré, démontré comme ma faute, ma responsabilité. A tel point que la simple vue d'une autorité me fait encore aujourd'hui me sentir coupable.


J'ai toujours vu le monde avec ce que je croyais être des yeux d'enfant, m'imaginant immature, voire retardé, mais en fait il s'agit des yeux de la culpabilité, ou chacun t’apparaît comme plus grand que toi, ou tu te sembles plus petit, ou ta culpabilité te maintient comme recroquevillée ou plutôt comprimée.

A la lumière de cette compréhension j'entrevois ce que tu as perçu lors de cette rencontre, lorsque tu m'as interrogé et que j'ai senti en moi cette part terrorisée, coupable à tel point coupable que sa simple existence mérite les foudres de tous, tes foudres. Le simple fait que tu perçoives en moi cette part vulnérable et coupable lui annonçait ma fin proche, tout coupable finit un jour par être condamné et exécuté.

J'avais peur de mourir ce jour là, non, pas mourir, peur de tomber dans cet enfer, l'enfer des coupables, de ceux qui ont toute leur vie mal fait.

Je me suis toujours amusé de ne jamais ressentir la moindre fierté, prenant cela comme une humilité naturelle, bien que je ne me sente pas particulièrement humble ; cette absence de fierté m'a toujours paru une bonne chose. Je comprends pourquoi maintenant : un coupable ne peut se sentir fier de rien, je comprends pourquoi malgré tout ce que j'ai pu faire dans ma vie, je n'en ai jamais capitalisé le moindre aspect positif, la moindre fierté.


Je peux nommer des aspects positifs de ma vie, mais cela est d'ordre intellectuel ; je ne le ressens pas en moi. En moi je suis coupable.

Je pense qu'en moi, face à cette culpabilité absolue, s'est construit un rempart, quelque chose à l'abri duquel j'ai grandi malgré tout, j'ai pu me développer dans une coquille trop petite, mais me permettant néanmoins de grandir, et cette coquille je crois que c'est la colère.

Et ça aussi tu as du le voir. Voir toute cette colère, cette rage en rempart tourné vers le monde pour dégager suffisamment d'espace vital à l’intérieur, pour que l'être que je suis ait un minimum vital, un minimum de vie.

Être coupable, naître et grandir dans la culpabilité, c'est ressentir à chaque souffle l'illégitimité. C'est chercher à chaque instant … C'est sentir en soi une part qui à chaque instant cherche, qui me montrera du doigt, qui j'ai blessé, qui j'ai outragé.

Être coupable c'est ressentir toutes ces réussites comme une usurpation, tout ces échecs comme des confirmations.

Être coupable, c'est vivre un enfer mérité, ou chaque pas vers un mieux est vécu comme une tentative d'évasion, comme une volonté d'échapper à une juste condition. C'est vivre un enfer mérité d'une faute commise.


Être coupable c'est une spirale sans fin, comme englué dans une mélasse ou chaque mouvement t'englue un peu plus, ou l'immobilité t'englue tout autant. Ou le simple fait de le nommer te parait comme vain, ou tout travail sur soi te semble... coupable. Puisque tu es coupable, chacune de tes pensées, chacun de tes gestes l'est, est entaché de volonté négative, de desseins sombres …

Toute ma vie j'ai cherché à me punir, à ne pas prendre soin de moi, à me maltraiter, dans mes relations, mes choix, je devais me contraindre à me conformer à cet état de culpabilité.

Ta position d'autorité, ou en tout cas perçu par moi comme tel, a décuplé cette sensation de culpabilité, cette sensation que mon heure était venue, et puis je sais aussi maintenant que cette culpabilité est transgénérationnelle sur au moins deux peut être trois générations.

Je ressens en y repensant cet embryon qui t'observait, recroquevillé par la culpabilité, persuadé que ton simple regard allait l'anéantir, que tu voyais cet être coupable, que tu allais le détruire écœuré de constater toute cette noirceur, ses fautes, ses crimes commis.

J


e me suis interrogé sur cet état de culpabilité, comment est il venu, comment a-t-il pu rester là, s'ancrer en moi comme une maladie auto-immune qui investi chaque cellule ?

Pour tout dire, en interrogeant ces parts de moi impliquées dans cet état, la réponse est venu tout naturellement, pour cet enfant que j'étais, la culpabilité était le seul champ possible où vivre.

Au-delà de la culpabilité point de salut, pas de vie. Pour l'enfant que j'étais, je devais pour être accepté dans cette constellation, dans ce système familial : être coupable.

Comme devait être avant moi ma mère et sa mère avant elle, je pense que d'autre avant elles devaient porter ce fardeau pour survivre.



En y repensant ça serait comme si à table, dans ma famille il y avait une assiette vide réservée au coupable, comme dans d'autre culture une assiette réservée au pauvre. Juste une.

Je me reconnais aussi dans la symbolique du bouc émissaire, à la différence que d’endosser ce rôle contrairement à la tradition, donne accès au groupe plutôt que d'en être exclus.

Je ressens encore en moi ce devoir d'être coupable, cette part qui veut que je sois coupable pour me permettre de survivre.



Je sais que cette part vulnérable de moi doit avoir mon attention bienveillante, mon amour, et que je devrais m'en occuper, mais pour l'heure je ne sais pas encore prendre soin de quelque chose qui n'est soulagé que par la maltraitance, qu'elle associe à sa survie.

J'ai longtemps réfléchis à savoir si c’était une honte ou une culpabilité et encore maintenant je ne suis pas sur de bien comprendre la différence entre les deux et pourtant je n'ai pas le sentiment que cela soit une honte.

Peut être qu'il ne s'agit que d'une nuance sémantique et pourtant j'insiste sur le terme culpabilité. Je suppose que l'on se sent coupable de ce que l'on fait et que l'on a honte de ce que l'on est … Ce sont mes actes, mes pensées, mes paroles qui sont, qui doivent être culpabilisantes, pas qui je suis.

Aujourd'hui mon corps est douloureux, comme si toutes ces années d'angoisses, de terreurs m'assaillaient comme pour me dissuader de travailler sur moi, comme si sortir de cet état de culpabilité représentait un danger, et pourtant, d'avoir mis un mot sur cet état à ouvert une porte qui ne se refermera que derrière moi.

Il est temps de franchir ce pas, je ne sais pas encore comment les choses s'organiseront pour moi, pour cette part vulnérable et misérable, mais je nous souhaite de réussir, à nous trouver et à nous rencontrer sereinement, afin qu'elle comprenne qu'aujourd'hui, c'est moi qui la nourris, c'est moi qui la porte, qui la soigne, qui lui donne l'amour et la sécurité qui lui manquait tant, et que ce moi, c'est elle.



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