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Ces Héros qui nous habitent

  • Photo du rédacteur: Julien Renault
    Julien Renault
  • 1 mai 2018
  • 7 min de lecture

« Désolé je ne peux rien pour vous, vous résistez à la thérapie... »

Bonjour, je m'appelle Julien Renault et mon travail de psychopraticien consiste, dans le but d'accompagner ceux qui me demandent de l'aide, à relire la psyché humaine et les comportements humains à la lumière de la grille de lecture qu'est l'IFS et la théorie polyvagale.

Je ne tiens pas de statistique sur les points communs de mes clients, mais s'il y a une phrase qui revient régulièrement, et quasiment à chaque personne ayant déjà essayé un autre modèle thérapeutique, c'est bien celle-ci :

« Désolé je préfère arrêter la prise en charge, vous résistez … ».

Avec des variantes plus ou moins violentes telles que :

« Vous n'êtes pas motivé à aller mieux »,

ou encore :

« Votre mal-être vous apporte trop de bénéfices pour envisager une guérison... ».

Je n'ai pas à juger ces déclarations d'un point de vue thérapeutique et ne me permettrais pas de remettre en cause ces diagnostics issus de professionnels reconnus et compétents.

Ce que je puis faire cependant, c'est de constater en humble psychopraticien, les effets qu'ont ces déclarations sur les parts de mes clients : elles sont délétères, angoissantes et décourageantes.

Que les choses soient claires, en IFS, on ne saurait considérer la personne comme un bloc monolithique qui serait résistant, volontaire, dépressif ou que sais-je encore.

La simple venue en séance d'une personne prouve à elle seule la volonté de changement d'une part qui, en tout cas au moment de la prise de rendez-vous, était suffisemment volontaire.

C'est le point le plus important de l'IFS, nous sommes la réunion de plusieurs parts : des parts qui résistent, des parts volontaires, des parts qui protègent du danger vécu. J'ai mes propres parts thérapeutes, nous avons tous nos parts thérapeutes qui souhaitent soulager l'autre.

Lorsqu'un client prend rendez-vous avec un thérapeute, un psychopraticien, il est parfois sous le contrôle provisoire d'une part qui veut du changement. Le simple fait de lire ces lignes, me laisse à penser qu'une part intellectuelle, curieuse, ou qui cherche un meilleur, est à l'affût des informations que je peux délivrer ici.

l'IFS les conflits interieur

Lorsque l'on veut changer quelque chose en nous, c'est donc vraisemblablement l'indice qu'il y a un conflit entre deux parts (au minimum) qui s'affrontent et dont l'une des deux cherche une aide afin de remporter la victoire sur l'autre.

Cela peut-être le cas d'une part triste par exemple, déprimée qui est « attaquée » par une autre part qui a peur de ce que la tristesse peut générer dans la vie.

Une part triste trouve que c'est vital d'envahir le système, peut-être parce que c'est le meilleur moyen de ne pas être déçu par la vie : en étant triste, on ne risque pas de chuter. Ou alors, ce peut être une part triste qui veut signaler que la personne a besoin d'aide, qu'elle a un besoin non nourri devant passer par une autre personne. Dans ce cas, le besoin de l'autre est la conclusion de la part, conclusion provenant généralement des conditionnements, l'autre étant au fond soi-même, un soi, ou un self qui viendrait remplir de sa présence le manque de reconnaissance ou d'amour.

Quelles sont donc ces parts résistantes ? J'en rencontre régulièrement, elles ont en toute logique une constante commune, ce sont des parts de protection, et comme elles sont souvent très « fortes », elles défendent contre la mort, et parfois pire que la mort.

Les personnes qui ont pris l'habitude de me lire savent que lorsque je parle d'un rôle de part, je me place du point de vue de la part, et donc lorsque je dis qu'une part nous protège de quelque chose de pire que la mort, il faut comprendre qu'une part, nous protège de ce qu'elle redoute le plus. De quelque chose qui nous est déjà arrivé, qui est pour elle pire que la mort. De son point de vue, la folie par exemple (due à l'intensité d'une souffrance) serait pire que la mort ; le « collapse » (effondrement de la personnalité) peut être aussi vécu comme pire, la chute dans une abysse également… tous ces ressentis sont pires, dans le sens où ils ne sont pas cognitivement vécus comme une fin.

Ces ressentis peuvent même être vécus sur le moment comme infinis, avec une telle lenteur, une telle horreur qu'ils paraissent éternels.

Et donc, lorsqu'on rencontre une part résistante et encore plus lorsqu'elle use de la dissociation (cf : article sur le polyvagale ou la vidéo sur le figement) c'est un signe précieux du niveau d'insécurité du système.

Lutter contre cette part, quel qu’en soit la raison, qui par ailleurs peut être très légitime au regard de la qualité de vie de la personne, peut être vécu par cette part, comme totalement injuste !

Imaginez un gardien, seul qui redoute un cataclysme, travaillant dur pour protéger une citadelle et dont les habitants réclameraient sa mise à la retraite d'office : cela peut être très difficile à vivre pour lui ! La culpabilité, la honte, les remords peuvent être les émotions générées par les habitants pour déloger ce gardien.

Et en désespoir de cause, les habitants de la citadelle iraient chercher dans la citadelle voisine une équipe de choc pour forcer le gardien à revoir son comportement... dans ce contexte, le gardien perçoit le thérapeute, « l'autre citadelle », comme une véritable agression voire comme une tentative d'invasion de sa citadelle, de son système. Pour peu que le thérapeute agisse en fonction d'une part « thérapeute » qui veuille soulager coûte que coûte, l'invasion tourne vite au siège et la thérapie, au vinaigre !

Les habitants, tout comme les parts thérapeutes, agissent en toute bonne foi. Néanmoins, on n'obtient rien de durable et d'harmonieux dans la contrainte, fut elle bien-fondée : cela reste une violence.

Dans l'approche IFS, la première chose sera d'appréhender les habitants de la ciadelle et de chercher à les détendre, de relativiser, d'écouter et de comprendre.

Le but de cette écoute empathique est avant tout de relâcher la pression que subit ce pauvre gardien, qui est rongé par la peur à l'intérieur et roué de coups à l'extérieur.

C'est sûr qu'au début de la prise en charge, les habitants collaborent volontiers : c'est donc vers eux que l'on va. Le gardien voit vite qu'il se trame quelque chose. Le travail sera vraiment de garantir une totale neutralité. Lorsque les habitants se rendent compte qu'en fait la troupe d'élite est totalement pacifique, ils peuvent se tendre à nouveau, chercher quelqu'un de plus vindicatif, de plus « efficace ». Il arrive à ce stade que la personne sente ses parts qui souhaitent le changement s'impatienter, mettre le travail en doute, ce qui est tout à fait légitime, et ce qui loin d'être problématique, m'indique qu'il est temps de rencontrer le gardien, qui lui sent la neutralité bienveillante, ce qu'il va vivre comme une sécurité.

Ce seul geste d'ouverture permet la plus part du temps aux habitants d'expérimenter une détente nouvelle du gardien ; c'est comme une véritable pluie salvatrice après des mois de sécheresse.

Passé ce stade, les habitants de la citadelle acceptent la bienveillance et la neutralité. Ce n'était pas ce qu'ils étaient venus chercher mais en même temps c'est la seule solution pour permettre au gardien de baisser les armes pour un instant.

La suite consiste à rencontrer le gardien, l'écouter, le comprendre, le soutenir aussi.

La prochaine étape est tout aussi surprenante pour les habitants, c'est de se rendre compte que le gardien les protège ! Non seulement il n'était pas là pour les maintenir enfermés dans une morosité plombante mais en plus, il est là pour les protéger parce qu'il les aime sincèrement. A ce niveau le conflit entre les deux camps se désamorce de lui-même et laisse l'accès aux zones les plus vulnérables, celles qui ont le souvenir traumatique.

Le reste du travail, je l'ai décrit plusieurs fois au travers de mes textes, je ne reviendrai pas dessus.

Ce qu'il est important de comprendre, c'est cette notion de sécurité.

Le sentiment de sécurité n'est pas issu d'une technique, d'un « truc ».

L'on vit à une époque de techniciens, de « trucs », et lorsque l'on cherche la sécurité intérieure, l'on va à la recherche du « truc » qui permet de se sentir à l'abri.

Autant cela peut faire illusion à l'extérieur, autant dans notre monde intérieur, c'est totalement inefficace.

Il peut arriver parfois que le « truc » donne l'impression de générer de la sécurité, mais ne nous y trompons pas. Il ne s'agit pas de rassurer les parts qui se sentent en insécurité, mais plutôt de générer un nuage de fumée qui masque leur peur.

Le work-addict qui masque la peur de manquer, ou la peur de la honte, le méditant qui masque à force de contrainte l'angoisse, l'alcoolisme, la drogue, la religion, la politique … sont autant de masques qui recouvrent la profonde peur d'être submergé.

Dans l'approche centrée sur la personne qu'est l'IFS, une approche centrée sur les parts de la personne plus exactement, il n'y a pas de fumée. On souffle délicatement dessus d'ailleurs, pour rencontrer la peur, celle du dessous, pas par curiosité, pas pour soigner, juste parce que cela est juste.

Et cette fumée, générée par nos parts, ne s'évapore que lorsque les parts ressentent la sécurité qui leur fait défaut, pas beaucoup, juste un peu, la mienne, celle du lieu, et celle de l'intérieur qui est bien présente et pas encore conscientisée.

Cela peut prendre du temps et puis parfois, ce n'est pas encore le moment et c'est très bien ainsi.

Au demeurant, je ne pense pas que notre monde manque de techniciens de la psyché, je pense qu'il manque de personnes qui s'ouvrent à l'amour des parts.

nos gardiens en IFS

Lorsque je rencontre ces parts, même les plus antisociales, je rencontre les super-héros de mon enfance, ceux qui restent pendant que les autres fuient, ceux qui se sacrifient, qui vivent l'injustice pour tenir la mission … Et qui ne le font pas pour la gloire ou par devoir issu d'un conditionnement culturel, non c'est bien plus simple : ils le font par amour.

Bien des gens cherchent l'amour de soi, cherchent des « trucs » pour permettre l'amour de soi, alors que cet amour est si vaste, si puissant et si évident ! C'est l'amour de nos parts pour nous-mêmes, pour ce Self, pour cette âme qui est notre centre.

Mon travail est de rencontrer ces super-héros que sont nos gardiens, de leur donner de la sécurité et de la confiance pour leur rendre la parole, pour qu'ils communiquent au système leur amour.

Je dois dire que je suis toujours très ému par la confiance que me font les gardiens de mes clients, et ce cadeau d'être témoin de la rencontre entre un adulte et son enfant intérieur est toujours d'une intensité et d'une beauté inestimables, qui me font dire que je suis au bon moment et au bon endroit.

 
 
 

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