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Et toi tu ne dis rien !!!

  • Photo du rédacteur: Julien Renault
    Julien Renault
  • 19 mars 2018
  • 6 min de lecture

Bonjour, je m'appelle Julien Renault et mon travail de psychopraticien consiste à relire la psyché humaine et les comportements humains à la lumière de la grille de lecture qu'est l'IFS.

Nous avons tous connu cette situation où, alors qu'il se passe quelque chose devant nous, nous ne trouvons rien à répondre ou à faire. La scène peut être une belle-mère qui fustige sa bru sur l'éducation de sa progéniture alors que le mari ne dit rien, restant passif, ajoutant à l'agressivité l'injustice de la passivité. Passé l'altercation, la femme aura tôt de dire à son époux passif : « et toi tu ne dis rien ! ».

Cela peut aussi concerner un discours intrapersonnel où, suite à des réprimandes d'un supérieur au travail, nous nous reprochons notre inertie, notre incapacité à répondre : juste une bouillie est sortie de notre bouche et nous rendons encore plus détestables dans cette situation.

Ce comportement peut aussi être plus dramatique où dans des cas d'agression, les témoins sont incapables d'intervenir, semblant passifs, voire complices comme la presse peut stupidement le relater.

Toutes ces réactions sont les mêmes, cela s'appelle être figé. En anglais on parle de freezing : congélation, cela est très juste dans l'image.

Au cours de l'évolution des espèces peuplant la terre, les animaux ont évolué d'une forme simple à complexe. D'abord bactérie, puis amas d'organismes vivant, enfin animal. Ce qui diffère dans le vivant les plantes des animaux, c'est que les premières subissent leur environnement et répondent via la boite à outils génétiques aux agressions de celui-ci. Elles disposent de beaucoup plus de gènes que les animaux, la plupart étant dormants, et se réveillent de génération en génération, afin que la plante s'adapte aux changement. Ce mécanisme est lent et limité.

Les animaux, eux ont accès à des modes de réaction plus rapides : ils peuvent agir ! Pour cela, ils ont un outil indispensable à l'action : un cerveau. Et oui, un cerveau ça sert à agir.

Les premiers animaux à apparaître sur la terre étaient peu actifs : des mouvements lents, avec des mécanismes nécessitant de longs temps de repos au soleil afin de recharger les batteries. Ces animaux avaient la capacité de se mettre en veille afin de limiter les dépenses énergétiques au minimum ; on retrouve cela chez nos lézards par exemple, qui se figent l'hiver à l’abri, ou passent de longues heures sous le soleil pour réchauffer leur sang. Cela correspond à la branche la plus ancienne du système nerveux des animaux : le nerf vagal dorsal. Il gère le figement et la mort imminente.

Puis les chaînes alimentaires se sont étoffées ; les animaux ont développé des compétences supérieures ; les sources d’énergie se sont développées, la prédation est devenue un nouveau mode d'acquisition de l'énergie. Avec ce mode, s'est développé un autre mode d'action : attaque/fuite. Il n'a pas remplacé le figement, il c'est superposé à celui-ci. Il correspond dans le corps au système dit sympathique ou orthosympathique. Les reptiles, les poissons, les oiseaux ont ainsi les deux modes d'actions : il attaquent ou fuient lorsqu'ils sont en danger, puis en cas de mort imminente, ils se figent. Il faut bien comprendre que lorsque le figement se met en place, c'est un mécanisme complètement automatique et autonome qui a pour conséquence de tout arrêter dans le corps, en maintenant le minium vital pour que l'animal survive, tout en le préparant à la mort. L’afflux dans le corps de substance l’anesthésiant n'en est qu'un exemple.

Avec les mammifères apparaît un autre mode d'action correspondant à un autre type d'efficacité dans l'acquisition de l’énergie indispensable à la vie : la coopération. L'union fait la force, et donc un autre mode d'action se met en place qui est celui de l'interaction sociale, la sociabilisation. Les animaux se réunissent en horde, en troupeau, en clan, les hiérarchies s'instaurent, les fonctions sociales aussi. Ce mode de fonctionnement est régi par la troisième branche de notre système nerveux autonome : le vagal ventral.

Nous avons ici les trois niveaux de fonctionnement d'un humain correspondant aux trois branches du système nerveux autonome :

Le vagal ventral : interaction sociale : coopération

Le sympathique : fuite ou attaque : danger

Le vagal dorsal : figement : mort imminente

Lorsqu'un animal est figé, c'est qu'il sent qu'il va mourir et qu'il ne lui reste plus que cela comme possibilité. C'est la même chose pour un humain qui se fige. Lorsque nous vivons une situation ou que nous revivons une situation qui s'est inscrite en nous comme annonçant une mort imminente, nous nous figeons.

Chaque instant ou nous sommes incapables d'agir, où les mots ne sortent pas de notre bouche, ou nous sommes incapables de sortir de notre lit, incapables de répondre à un téléphone qui sonne, incapables de passer à l'acte, incapables de se débattre, de se mettre en colère, de fuir une situation inacceptable, où nous nous sentons complètement liés, figé, incapables d'agir, une part de nous revit une impression de mort imminente.

Aucun raisonnement, aucune logique intellectuelle ne permet de sortir de se figement, c'est un processus qui doit arriver à terme, qui est physiologique et nécessite un déchargement physique pour être métabolisé.

Exemple des deux mécanismes chez un lézard:

Dans un premier temps Attaque/fuite (il se gonfle pour échapper aux prédateurs). puis en désespoir de cause, le figement qui soit décourage le prédateur soit limite la souffrance.

Lorsque nous passons par cet état de stress intense, la plupart du temps nous ne le percevons pas. Les substances que génère notre cerveau ne nous permet pas de conscientiser ni même de mémoriser ce qui se passe. Tous dépendra du niveau de figement:

Il commence par une simple rêverie et peut aller jusqu'à l'impression de sortie du corps : ce stade ultime nous prépare à la mort.

Notre corps nous parait comme lointain, diffus, comme un objet sans vie ni sensation livré aux dents du prédateur qui le déchire, et cela se fait dans notre totale indifférence. Nous ne sentons plus la douleur, nous ne sentons plus notre corps, il ne nous appartient plus, nous pouvons flotter au dessus ou même aller ailleurs pour ne plus voir ce qui lui arrive. Nous n'attendons plus que la mort.

Lorsque nous sommes victimes d'une agression grave, c'est tout à fait logique de vivre cette expérience de sortie de corps, mais il arrive de revivre cette expérience alors que rien ne présage d'une mort imminente : juste la réprimande d'un supérieur, une altercation lors d'un repas de famille qui nous fait revivre un moment terrible déjà vécu.

Lors des séances de travail avec mes clients, il arrive qu'à la simple observation de ce qui se passe en eux déclenche le figement, c'est à dire que la simple évocation des émotions qui les traversent provoque pour une de leurs parts une peur si intense, si terrible que le système se fige et attend le coup de grâce …

Les raisons sont différentes à chaque fois et importent peu, ce qui importe c'est de comprendre que ces personnes n'ont jamais pu bénéficier d'une sécurité inconditionnelle dans la petite enfance. L'angoisse des parents, leurs peurs ont généré une insécurité invisible, inconsciente qui ont baigné les enfants dans un état de stress.

Il peut exister d'autres lectures ; ce qu'il est important de retenir, c'est qu'il ne s'agisse pas de stigmatiser une éducation, des parents ou une culture. Ces mécanismes sont inconscients, et souvent hérités de génération en génération. Ne serait ce qu'en Europe où le vécu de la guerre à généré toute une génération de personnes qui ont souffert, ont été traumatisées, inscrivant dans le corps des stress qui se sont exprimés sous différents aspects en fonction des expériences vécues et se sont transmis. Les répercutions d'un trauma s'inscrit jusque dans l'expression des gènes.

C'est notre devoir, notre travail de thérapeute et de praticien que de retisser les liens entre les générations, même défuntes afin de générer de la compréhension, de la compassion même envers nos bourreaux. Cela n'exclut pas la responsabilité, juste dégager suffisamment d'espace en nous pour accéder au calme et à la paix propices à la réalisation de ce qui est le plus humain en nous, notre capacité d'interagir, de coopérer avec l'autre.

Le premier pas de tout ce travail est la confiance et la bienveillance d'une écoute sincère et d'un accueil inconditionnel. Je dois dire que je suis toujours très ému par la confiance que me font les parts de mes clients, et ce cadeau d'être témoin de la rencontre entre un adulte et son enfant intérieur est toujours d'une intensité et d'une beauté inestimables, qui me font dire que je suis au bon moment et au bon endroit.

 
 
 

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