De la libre expression des émotions
- Julien Renault
- 22 janv. 2018
- 4 min de lecture
Bonjour, Je m'appelle Julien Renault et mon travail de psychopraticien consiste à relire la psyché humaine et les comportements humains à la lumière de la grille de lecture qu'est l'IFS. Lorsqu'avec un nouveau client, nous débutons une série de rencontres avec les différentes composantes de sa personnalité, très souvent, une des premières parts que nous rencontrons se situe dans la gorge ou légèrement en dessous. Elle peut être douloureuse, et dégage de l'angoisse. Elle est souvent accompagnée d'une autre part plutôt impatiente de travailler, de voir le client avancer sur son chemin de compréhension authentique et de maturation.
En fait, ces deux parts composent un système assez récurrent de volontés conflictuelles, une qui veut avancer, et l'autre qui ne veux pas.
La première sait que je suis là pour faciliter, elle imagine qu'il va falloir parler, verbaliser, se raconter … Sauf que l'autre estime que la parole représente un danger.

Combien de fois ai-je rencontré cette part pour qui la parole, la communication des émotions représente un réel danger.
A ce stade je dirais que la moitié de ces parts qui bloquent la parole est issue de l'expérience propre du client : il a personnellement fait l'expérience dans son enfance que le partage de ses émotions était mal accepté par l'autre ; elles généraient des problèmes, des conflits et de la souffrance. Malheureusement pour bien des parts immatures de parents, c'est compliqué d’accueillir la tristesse; la colère ; ou la frustration de leur enfant sans que ce soit pris pour une remise en cause de leur aptitude à être de « bons » parents.
Ces parts ont donc tendance à choisir (choix inconscient) le déni, le refus, la colère (qui est une énergie de répulsion pour éloigner un danger) mais aussi peuvent chercher à divertir (en faisant rire, en donnant à manger ...), à minimiser, ou à les rendre dérisoires. Tout est bon pour fuir les émotions inconfortables de leurs progéniture qui les réactive douloureusement.
L'autre moitié est ce que nous nommons une introjection, c'est à dire que nous avons adopté une croyance, une règle de vie qui a été implanté en nous par un autre.
Dans ce cas, une personne a fait une expérience d'être mise en danger après avoir partagé une émotion et en à tiré une règle de vie, un conditionnement qu'il a transmis (consciemment ou inconsciemment) à ses proches, les enfants étant particulièrement réceptifs.
Le plus logiquement et avec une certaine bienveillance, le parent transmet la croyance que la lecture des émotions est dangereuse, et ainsi de génération en génération, ce conditionnement se transmet.. Dans les deux cas, ce gardien des émotions empêchera leur passage de l'inconscient vers le conscient, en véritable bouchon ou filtre. La différence que je constate entre expérience propre et introjection, c'est dans le second cas, cette impression que le client a que cette chose n'est pas à lui, comme si dans son paysage intérieur, dans sa famille intérieure, il y avait un intrus, un élément sans histoire, sans profondeur et qui tient son rôle parce qu'il le doit.
C'est surprenant, lors des séances de rencontre avec nos parts, même les plus extrêmes, les plus dissonantes, de constater comme elles ont à cœur de nous aider, de tenir leur rôle pour nous sauver, pour protéger d'autres parts plus vulnérables qui ont subi des expériences négatives et traumatisantes.
Une part introjectée elle, n'a pas d'attachement particulier à la personne, elle tient son rôle parce qu'il est basé sur une croyance, pas sur une expérience et surtout il n'y a pas de part vulnérable, d'enfant intérieur qu'elle protégerait.
Souvent le simple constat, la simple rencontre sans intention particulière suffit au client à se rendre compte que l'introjection n'a pas de réelle utilité dans son système de pensée ; la prise de conscience suffit à rendre obsolète la part qui va se retirer d'elle-même.
Parfois la croyance est très forte, provient d'une répétition violente, d'un véritable dressage tel qu'on le pratique sur des animaux pour les conformer à une volonté ascendante. Le travail alors sera plus intense, certaines ressources symboliques devront être mobilisées pour rendre obsolète la fonction qui elle, s’apparente plus à du réflexe de Pavlov engrammé dans la mémoire.
Au final, la part introjectée reconnaît sa désuétude et se retire. Tout simplement. Si le travail se fait sur un protecteur, il sera mis en confiance, sincèrement et sans intention cachée, puis s'il le désire, permettra l’accès à la part vulnérable qui sera rencontrée. Cette rencontre est d'une intensité sans égale, presque mystique, dans l’alcôve feutrée des synapses nous rencontrons cet enfant blessé par la vie qui attend, recroquevillé sur lui même, la venue de quelqu'un de bienveillant qui l'écoutera en toute humilité.
La suite, je vous laisse l'imaginer :que feriez vous si vous rencontriez un enfant qui a peur et qui souffre ? Qu'il soit intérieur ou extérieur, tous les enfants répondent aux mêmes besoins, qu'ils soient virtuels ou tangibles : un enfant qui souffre a besoin de présence et d'amour. Une fois soulagé, l'enfant se connecte à votre réalité, n'est plus en manque. Son protecteur voit cette connexion et choisit en toute intelligence un autre rôle, plus nourrissant. Il peut même aider à la parole, devenir le guide de la parole juste.
Je dois dire que je suis toujours très ému par la confiance que me font les parts de mes clients, et ce cadeau d'être témoin de la rencontre entre un adulte et son enfant intérieur est toujours d'une intensité et d'une beauté inestimables, qui me font dire que je suis au bon moment et au bon endroit.
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